Depuis la rentrée de septembre, les enseignants portent le masque. Cela a-t-il compromis l’apprentissage du langage chez les plus jeunes élèves ? On vous en dit plus 😉.
Depuis le 1er septembre 2020, les enseignants, de la crèche au lycée, portent obligatoirement un masque pour lutter contre l’épidémie de Covid-19. Les tout-petits font ainsi face à des adultes qui ont adopté ce nouvel accessoire du matin au soir. La communication entre professeurs et élèves se retrouve indéniablement altérée. Qu’en est-il de l’apprentissage du langage ou de la lecture chez les plus jeunes ? Des psychologues ont ainsi signé une tribune rédigée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, publiée dans Le Figaro, s’inquiétant des conséquences sur les petits.
Anne Dehêtre, orthophoniste et présidente de la Fédération Nationale des Orthophonistes, explique ne pas pouvoir trancher et refuse de se soumettre à des a priori : « Le port du masque a un impact, mais quel est-il exactement ? On ne peut pas affirmer de manière péremptoire, pour l’instant, que les effets sont négatifs. Il faut attendre les résultats des études en court. » Une étude en collaboration entre la France, l’Espagne et l’Allemagne sur l’incidence du port du masque sur le développement du langage chez l’enfant a été lancée. Il faut désormais attendre.
Des subterfuges pour s’adapter
Mais comment se déroule l’apprentissage de la lecture au temps du Covid-19 ? Laure Carrère, professeure des écoles en CP raconte les difficultés qui arrivent lorsqu’il faut apprendre des sons : « Les enfants doivent pouvoir l’identifier, l’isoler et le reconnaître pour l’apprendre. Avec le masque certains sons sont difficilement perçus par les enfants. » Pour remédier à ces difficultés, l’enseignante a dû mettre en place des subterfuges. « Lorsque le cours le nécessite, je me tiens debout au fond de la classe, loin de mes élèves et je baisse mon masque pour former le son avec ma bouche », décrit-elle.
Lorsqu’il s’agit d’apprendre aux enfants de nouveaux mots ou une langue étrangère, la tâche est encore plus rude pour Laure. Elle doit redoubler d’efforts pour transmettre une information claire et compréhensible à ses élèves. Elle parle plus fort, articule d’avantage et s’appuie beaucoup sur sa gestuelle.
Pour aider les enseignants à s’adapter à cette situation, la FNO organise des modules de formation dans toutes les régions et tout au long de l’année. « Nous pouvons leur apprendre à bien placer leur voix pour qu’elle porte d’avantage par exemple. Nous pouvons aussi leur donner des conseils pour s’adresser plus efficacement aux enfants », détaille Anne Dehêtre.
Laure Carrère n’a jamais suivi aucune formation ni reçu aucune aide dans ce sens. Mais d’elle-même, l’enseignante a fait appel à la RASED (Réseau d’Aide et de Soutien aux Enfants en Difficulté) qui intervient lorsqu’un enfant présente des troubles qui vont au-delà des compétences des enseignants. « Lorsque j’ai vu la complexité que représente le travail avec ce masque, j’ai fait appel à eux. Ils sont intervenus deux fois par semaine en début d’année pour mettre en place des ateliers sur l’apprentissage des sons. »
Défi relevé
Malgré les circonstances d’apprentissage inédites imposées par la crise sanitaire, Laure Carrère est formelle : « A ce stade de l’année, tous mes élèves sont devenus lecteurs. » Elle a réussi à relever le défi. Anne Dehêtre n’est pas étonnée. « Le masque n’est pas porté en continu par tout l’entourage de l’enfant. Les principales interactions qui facilitent le langage se font à la maison et le masque n’y est pas porté. Finalement, les principaux interlocuteurs des enfants sont leurs parents. »
Les efforts des enseignants, les échanges qui se font à domicile entre les parents et leurs enfants, et l’incroyable capacité d’adaptation de ces derniers, sont autant de facteurs qui permettent d’endiguer les difficultés engendrées par le port du masque.
« A priori, un enfant qui n’a pas de difficultés ou de pathologies particulières et qui a une perception normale des sons ou des émotions, ne sera pas dérangé par le port du masque. En revanche, un enfant présentant un handicap verra ses difficultés s’accentuer, surtout en début d’apprentissage du langage », souligne Anne Dehêtre.
Dans l’ensemble, l’orthophoniste se veut rassurante : « Les parents ne doivent pas s’affoler et il ne faut pas culpabiliser les enseignants. Tous essayent de trouver les meilleures solutions pour faciliter la vie de nos tout-petits. »
« Depuis plus de 30 ans, les orthophonistes démontrent qu’acquérir et maîtriser le langage écrit (lecture, écriture), passe par un bon niveau de langage oral et une aisance à s’exprimer : « le bien lire » passe par « le bien parler ». Dans ce but, ils imaginent, créent et réalisent des actions de prévention qui visent à prévenir les troubles du langage et à lutter contre l’illettrisme », indique le syndicat des orthophonistes. En France métropolitaine, 2 500 000 personnes, soit 7% de la population âgée de 18 à 65 ans, se trouvent en situation d’illettrisme contre 116 000 personnes recensées à La Réunion, en 2011, soit 22,6 % des 16 à 65 ans.
« Afin d’agir en amont, nous organisons cette action de prévention intitulée « Un bébé, un livre » visant à sensibiliser les parents et les professionnels sur la nécessité d’accompagner très précocement le langage des tout-petits et d’utiliser le livre comme support à partager », indique le syndicat. Depuis 2011, cette action a pris une dimension nationale, portée par la Fédération nationale des orthophonistes (FNO). Elle a aussi obtenu la labellisation de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI) dans le cadre des « Journées Nationales d’Action Contre l’Illettrisme ».
Encore une fois, merci 🙏🏻 à la FNEO ! Toute l’équipe d’e-orthophonie* se joint à leur message à 💯%.
Merci pour leurs démarches, merci pour leur soutien et merci de dénoncer quand des décisions, aussi choquantes qu’irrespectueuses, sont imposées aux candidats. Tous derrière la FNEO 💪🏻🤜🏻🤛🏻 !
La dysphasie est un trouble de l’apprentissage se manifestant au niveau de la communication et du langage. Plus la dysphasie est détectée tôt et le prise en charge précoce, meilleures sont les chances d’aider efficacement l’enfant à progresser.
Si la dyspraxie ou la dyslexie sont deux troubles bien connus de la famille des DYS, la dysphasie l’est beaucoup moins. Selon les chiffres de l’Inserm, elle toucherait environ 2% des enfants avec une proportion plus importante de garçons. La dysphasie est un trouble de l’apprentissage qui touche le développement du langage oral, l’enfant aura alors des difficultés à s’exprimer mais aussi à comprendre ce qu’on lui dit. La dysphasie a des répercussions sérieuses sur la vie de l’enfant, tant au niveau scolaire que sur le plan social. Le dialogue avec les autres est compliqué, l’apprentissage des leçons également. C’est pour cette raison qu’une prise en charge précoce est essentielle. Même si on considère qu’un diagnostic de dysphasie ne peut pas être posé avec certitude avant l’âge de 5 ans, des signes peuvent alerter beaucoup plus tôt.
Les différents types de dysphasie
Avant de s’intéresser aux symptômes du trouble, il est important de rappeler qu’il n’y a pas une dysphasie, mais plusieurs. La dysphasie peut être expressive, elle désignera alors des difficultés d’expression orale, réceptive, il s’agira ici d’une difficulté à comprendre le langage ou bien mixte.
Dysphasie : quels sont les signes qui doivent alerter ?
Selon l’association DYS-POSITIF il est possible de détecter des signes annonciateurs de la dysphasie dès l’âge de 2 ans ou 3 ans. À cet âge, on ne parlera pas encore de difficultés de langage mais plutôt de troubles ayant un impact sur la faculté de l’enfant à communiquer. L’enfant semble ne pas comprendre ce qu’on lui dit, il répète les mots quand on lui parle, il ne parle pas du tout ou très peu, utilise des mots simples au lieu de faire des phrases (« Gâteau » au lieu de « Je veux manger un gâteau »).
Parmi les symptômes qui peuvent orienter vers la dysphasie après trois ans on peut notamment évoquer :
Un vocabulaire restreint
Des erreurs de syntaxe
Des difficultés à construire son discours
Des difficultés à trouver le bon mot
Une organisation des sons inadéquate au sein des mots
Une omission des mots de liaison
une difficulté à expliquer une idée de manière verbale
Une utilisation très fréquente du langage gestuel
Des hésitations dans le discours.
Une difficulté à comprendre les consignes
Une difficulté à percevoir les nuances dans le discours
Dysphasie, comment est établi le diagnostic et quelle est la prise en charge ?
Avant de s’orienter vers un diagnostic de dysphasie, il faudra s’assurer que les difficultés de l’enfant ne sont pas liés à d’autres facteurs comme une maladie, un problème auditif, un trouble psychologique, un déficit intellectuel ou même une malformation au niveau de la sphère buccale qui pourrait l’empêcher de s’exprimer correctement. Si une prise en charge en orthophonie n’a rien donné, l’enfant va alors être évalué par une équipe pluridisciplinaire associant un psychomotricien, un orthophoniste, un pédopsychiatre et un neuropsychologue. Un protocole sera ensuite mis en place afin d’accompagner l’enfant et va associer de l’orthophonie intensive, l’ergothérapie, une prise en charge auprès d’un psychologue et d’un psychomotricien.
Santé publique France a publié son premier bulletin épidémiologique de l’année. L’institution pointe les troubles causés par une exposition précoce aux écrans.
Télévision, ordinateur, smartphone, tablette… Les enfants naissent souvent dans un environnement hyperconnecté. Aujourd’hui, l’Organisation mondiale de la santé recommande de bannir toutes formes d’écrans pour les moins de 2 ans et de limiter au maximum leur utilisation pour les enfants entre 2 et 5 ans. Un moyen de lutter contre les conséquences néfastes de cette exposition précoce. Sédentarité, obésité, troubles du sommeil, troubles psychomoteurs et troubles cognitifs, autant de comportements induits par la passivité des écrans chez les plus petits.
Dans son premier bulletin épidémiologique de l’année, paru mardi 14 janvier, Santé publique France rapporte une étude faisant le lien entre l’exposition des enfants aux écrans et l’apparition de troubles du langage. Cette étude a été réalisée à partir de cas et de témoins d’école installés en Ille-et-Vilaine. Pour ce travail de recherche, des cas et des témoins ont été sélectionnés. Ainsi, les premiers bénéficiaient d’un suivi orthophonique pour des troubles du langage, mais pas les seconds. Les chercheurs ont donc mis en relation le temps passé devant les écrans le matin avant d’aller à l’école avec la fréquence d’apparition des troubles.
Trouble du langage primaire
Résultat ? Ceux qui étaient exposés aux écrans le matin ont trois fois plus de risques de développer des troubles primaires du langage. Un risque associé au fait de ne pas échanger avec ses parents sur le contenu des programmes. En effet, les enfants qui ne discutaient pas des scènes vues sur les écrans avec les parents multipliaient par six leur risque de développer des troubles primaires du langage.
Ces enfants souffrent, par exemple, de dysphasie. Ce trouble se caractérise par une absence de langage puis par l’apparition d’un langage avec un champ lexical restreint. Certains enfants peuvent également avoir du mal à comprendre les consignes ou s’exprimer avec des phrases incomplètes. Des difficultés qui pourront être corrigées avec le suivi d’un orthophoniste. En janvier 2019, des professionnels de la santé infantile s’inquiétaient de l’exposition des troubles cognitifs chez les petits dans une tribune publiée dans Le Monde.
La règle du 3-6-9-12
« L’exposition des très jeunes enfants aux écrans (télévision, smartphone, tablette…) entraîne des risques pour le développement et la santé physique », alertait par exemple la ministre de la Santé Agnès Buzyn, à l’occasion des 10 ans de la campagne du CSA visant à bannir les écrans pour les moins de 3 ans. Pourtant, la consigne est claire. La règle du 3-6-9-12 édictée par le psychiatre Serge Tisseron permet de fixer des repères d’introduction des écrans dans la vie des enfants. Ainsi, il est recommandé de ne pas utiliser de télévision avant 3 ans. Avant cet âge, l’enfant a exclusivement besoin d’interagir avec son environnement en faisant appel à ses cinq sens. Bien loin de la passivité engendrée par la télévision. Aucun programme n’est réellement adapté à ce jeune âge.
À bannir également les écrans dans une pièce où se trouvent les enfants, même s’ils ne semblent pas y prêter attention. De plus, la règle du 3-6-9-12 préconise l’absence de console personnelle avant l’âge de 6 ans. Enfin, il est recommandé d’autoriser un accès à Internet après 9 ans et aux réseaux sociaux après 12 ans. Comme le résume Serge Tisseron, « les écrans ne nous menacent pas. C’est leur mauvais usage qui nous menace ».