Chaque mois, nous vous proposons de découvrir une pathologie prise en charge par les orthophonistes. Ce sont des notions essentielles à connaître pour vos oraux d’admission en CFUO 😉. Ce mois-ci, nous vous présentons la dyscalculie.
Comme la dyslexie, la dysorthographie ou la dysphasie, la dyscalculie appartient à ce que l’on appelle les troubles « dys ». Ce trouble spécifique des apprentissages impacte plus précisément la compréhension des chiffres et du calcul.
Les personnes dyscalculiques peuvent être concernées par cette atteinte à des degrés divers. Comment la dyscalculie se manifeste-t-elle ? À quoi est-elle due ? Quelles stratégies permettent de compenser les lacunes ? La dyscalculie affecte la sphère de la numératie, c’est-à-dire la capacité à comprendre, utiliser, interpréter ou encore à appliquer des concepts mathématiques. Ce trouble spécifique des apprentissages revêt des formes diverses, car il peut potentiellement toucher de nombreuses compétences. La dyscalculie ne s’apparente pas à un retard d’apprentissage.
1. Définition de la dyscalculie
La dyscalculie est un trouble neurologique permanent et durable, même si les manifestations qu’il occasionne peuvent diminuer avec le temps, notamment grâce à une prise en charge adaptée. La dyscalculie est décomposée en plusieurs sous-types :
- la dyscalculie verbale : l’enfant a du mal à comprendre les concepts mathématiques prononcés oralement ;
- la dyscalculie practognosique : l’enfant comprend les concepts mathématiques, mais il ne parvient pas à les concrétiser ;
- la dyscalculie lexicale : l’enfant comprend les concepts mathématiques à l’oral, mais il a des difficultés à les transposer à l’écrit ;
- la dyscalculie graphique : l’enfant a des difficultés à écrire et lire les symboles mathématiques ;
- la dyscalculie idéognostique : l’enfant a des difficultés à réaliser des calculs mentaux ;
- la dyscalculie opérationnelle : l’enfant a des difficultés à réaliser des opérations arithmétiques à l’oral et à l’écrit.
En France, entre 5 et 7 % des enfants d’âge scolaire présenteraient un trouble « dys » (dont 1 à 2 % de formes sévères) selon les chiffres de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Et dans près de 40 % des cas, un enfant concerné par un trouble spécifique des apprentissages présente un ou plusieurs troubles associés. Ainsi, les enfants dyscalculiques ont plus de probabilités de présenter un trouble déficitaire de l’attention, un syndrome de dysfonction non verbale (SDNV) ou encore un trouble développemental de la coordination. La dyscalculie et, plus largement, les troubles « dys » sont désormais considérés comme un véritable enjeu de santé publique, touchant un à deux élèves par classe environ (Inserm).
2. Quels sont les symptômes de la dyscalculie ?
Le trouble de l’apprentissage impactant la numératie peut se manifester de différentes manières. Il existe, en effet, une forte hétérogénéité des symptômes dans le cadre des troubles « dys ». Mais, en règle générale, la dyscalculie entraîne des difficultés d’apprentissage et de compréhension des mathématiques, et ce, dès les classes primaires, voire avant. Dans les faits, l’enfant va prendre plus de temps que nécessaire pour faire ses devoirs et, malgré ses efforts, il n’obtiendra pas de résultats satisfaisants. Chez certains enfants, dyscalculiques, le trouble engendre un véritable rejet de la matière. Voici une liste des principaux signes devant alerter les parents (Centre d’évaluation neuropsychologique et d’orientation pédagogique, le Cenop) :
- difficultés ou erreurs lors du dénombrement ;
- difficultés à lire et/ou écrire les nombres ;
- difficultés à mémoriser les tables de multiplication ;
- difficultés à comparer les nombres entre eux : supériorité, infériorité, égalité ;
- erreurs lors des dictées et/ou à la lecture de nombres ;
- difficultés à réaliser des opérations ;
- difficultés de compréhension des énoncés ;
- difficultés à réaliser les différentes étapes d’un calcul ;
- difficultés à s’orienter dans l’espace…
Dans la vie quotidienne, la dyscalculie peut avoir un impact retentissant, puisque les personnes touchées peuvent avoir du mal à compter et à gérer leur argent, à s’organiser, à comprendre des notices d’utilisation ou de montage, à évaluer des distances, à lire l’heure…
3. Causes de la dyscalculie
Si les causes exactes de la dyscalculie ne sont pas formellement avérées, la communauté scientifique s’accorde toutefois sur l’origine neurologique du trouble, et travaille à vérifier de nombreuses hypothèses. Ainsi, le trouble spécifique de l’apprentissage serait dû à un fonctionnement atypique des aires cérébrales impliquées dans le traitement numérique, situées dans le lobe pariétal du cerveau. Des facteurs génétiques seraient également mis en cause, puisqu’il n’est pas rare d’observer plusieurs cas de dyscalculie ou de troubles « dys » au sein d’une même famille. En revanche, voici ce que l’on sait avec certitude : les troubles « dys » se manifestent chez des enfants n’ayant aucun déficit intellectuel, évoluant dans un environnement social normal, et ne présentant aucun trouble sensoriel ni psychologique.
4. Dyscalculie : quand consulter ?
Il n’est pas nécessaire de s’alarmer si votre enfant présente quelques difficultés d’apprentissage. Les enfants en bas âge évoluent à leur propre rythme, et acquièrent, de fait, certaines compétences à des âges différents. Il est important d’établir une distinction en une difficulté ponctuelle et un véritable trouble de l’apprentissage qui, lui, est durable. Certains signaux persistants doivent toutefois éveiller l’attention des parents : difficultés à résoudre un calcul simple, à mémoriser un numéro de téléphone, à lire une suite de nombres, à classer des chiffres du plus petit au plus grand, à distinguer les différents symboles mathématiques… Si vous soupçonnez un trouble spécifique de l’apprentissage des mathématiques et du calcul chez votre enfant, n’hésitez pas à en parler avec son enseignant et son médecin traitant.
5. Comment diagnostiquer dyscalculie ?
Comme l’ensemble des troubles dys, la dyscalculie est diagnostiquée par étapes. Dans un premier temps, le médecin va chercher à exclure toutes les autres pistes susceptibles d’engendrer des symptômes similaires à ce trouble spécifique de l’apprentissage. Pour cela, plusieurs bilans sont pratiqués : neuropsychologique (défaillance de la mémoire, déficit de l’attention), psychomoteur (trouble de coordination…), neurologique (lésion cérébrale…). Une fois les autres causes écartées, un dépistage de la dyscalculie est alors envisagé. On utilise des outils spécialisés et adaptés en fonction du type de difficultés d’apprentissage, de leur sévérité, de leur pronostic évolutif, ainsi que de l’environnement de l’enfant :
- niveau 1 : diagnostic, prise en charge et suivi des troubles par le médecin traitant et l’orthophoniste, adaptés au type de trouble ;
- niveau 2 : diagnostic et prise en charge pluridisciplinaire coordonnée par un médecin spécialisé dans les troubles spécifiques du langage et des apprentissages (TSLA) en lien avec l’orthophoniste, l’école, la médecine scolaire, la famille et le médecin traitant ;
- niveau 3 : diagnostic et prise en charge des cas très complexes par l’un des centres de référence des troubles spécifiques du langage et des apprentissages, rattachés à des équipes hospitalières universitaires.
Le Cenop propose également d’établir le diagnostic neuropsychologique de dyscalculie de manière à évaluer et à dégager « le profil des atteintes et des compétences préservées, et de valider ou non la présence d’autres troubles ou déficits associés ».
6. Est-ce que la dyscalculie se soigne ?
Il n’existe pas de traitement pour soigner un trouble spécifique des apprentissages. Il s’agit donc d’un trouble persistant. Mais le patient peut néanmoins bénéficier d’une rééducation efficace, dont l’objet sera d’améliorer les lacunes occasionnées, ou de mettre en œuvre des mécanismes de compensation. Plus la prise en charge de l’enfant est mise en œuvre précocement, plus son potentiel scolaire aura de chances de se développer correctement. Pour cela, un suivi orthophonique est fortement conseillé. Spécialiste, l’orthophoniste travaille avec les enfants dyscalculiques, notamment, pour leur permettre d’assimiler les bases du traitement numérique et du calcul et d’être autonomes en classe. Plusieurs autres professionnels de santé sont ainsi susceptibles de coordonner leurs interventions en fonction des déficiences présentées : ergothérapeute, psychomotricien, psychologue…
Parallèlement, les enfants dyscalculiques peuvent bénéficier d’une adaptation pédagogique individualisée (plan d’accompagnement personnalisé) en fonction des difficultés qu’ils rencontrent : lecture orale des énoncés, possibilité d’utiliser un ordinateur, temps supplémentaire pendant les évaluations… Les mesures prises sont parfois formalisées par le médecin de l’Éducation nationale, et peuvent persister tout au long du cursus scolaire, soit jusqu’au baccalauréat.
7. Comment prévenir la dyscalculie ?
S’il n’est évidemment pas possible d’éviter l’apparition d’une dyscalculie, il est cependant essentiel d’encourager les enfants concernés en les motivant, et en les accompagnant dans les efforts quotidiens qu’ils sont amenés à faire. Outre les professionnels de santé, les familles ont, elles aussi, un rôle primordial dans le traitement et la rééducation des déficiences cognitives. Le jeu constitue en cela un vecteur idéal pour y parvenir. Voici quelques exemples d’activités réalisables dans le cadre familial pour aider un enfant dyscalculique : suivre et réaliser une recette de cuisine, demander à l’enfant de lire l’heure, mémoriser des numéros de téléphone, aller faire les courses, mettre la table… Il est également impératif que les parents se documentent régulièrement sur le sujet. Ainsi, ils seront au courant des dernières avancées de la recherche, et ils connaîtront les nouveaux outils susceptibles d’aider leur enfant. La communication avec l’équipe éducative constitue un rouage essentiel pour préserver la santé psychologique de l’enfant, et faciliter son intégration au sein de sa classe.