En fonction du niveau socio-économique de leurs parents, les enfants n’ont pas tous autant de vocabulaire à 2 ans. Des experts indiquent comment les aider dans l’apprentissage du langage.
Une étude réalisée par Santé Publique France vient confirmer ce que d’autres études internationales indiquaient déjà auparavant : le niveau socio-économique des parents influence l’apprentissage du langage chez les enfants. Cette recherche française montre que les disparités de vocabulaire se créent dès l’âge de 2 ans. Plus précisément, les enfants dont la mère a un niveau de diplôme inférieur au brevet des collèges connaissaient 70 mots sur les 100 proposés lors de l’étude. En revanche, ceux dont la maman « ne détient qu’un Bac+2 » en maîtrisaient 80.
« Cette étude, une première en France, confirme que dès 2 ans, il existe des inégalités sociales face au langage », décrypte Florent de Bodman, auteur du rapport de Terra Nova sur « L’égalité des chances se joue avant la maternelle ».
Une étude américaine montre ainsi que les enfants issus de famille pauvres connaissaient 500 mots de vocabulaire à 3 ans, contre 1000 pour ceux des familles aisées. Il existe donc de forts liens entre les écarts socio-économiques et les chances de savoir lire à la fin de l’école primaire. Pour améliorer les chances de leur enfant, certains parents, de tous les milieux sociaux, peuvent donc décider de stimuler son apprentissage du langage.
L’apprentissage du langage commence à la naissance
« Ce n’est pas parce que votre enfant est toujours un nourrisson qu’il ne faut pas lui parler », explique Florent de Bodman. Bien au contraire, dès le plus jeune âge, « c’est important de parler avec l’enfant, pas seulement à l’enfant, de guetter ce qu’il comprend et toutes ses réactions. Avec un nouveau-né, c’est plus une histoire de communication non-verbale : il peut répondre par un sourire, un geste, du babillage. » La communication est malheureusement souvent sous-estimée, alors que c’est très important, insiste Chirstian Peyrat, pédiatre. « Plus on s’adresse à l’enfant, plus il se sent considéré et compris, plus il sera calme », explique le spécialiste. Par exemple, vous pouvez lui poser des questions, et attendre quelques secondes pour qu’il vous réponde. A ce moment-là, il faut réagir, le questionner de nouveau, rebondir sur ce qu’il a dit, et le féliciter.
L’apprentissage de la parole par le jeu
Le jeu permet d’apprendre de nombreuses choses et le langage en fait partie. « On rencontre moins de retards de langage dans les familles, qu’elles soient favorisées ou non, où on joue beaucoup », explique Anne Rudelle, orthophoniste et psycho-praticienne. Cela permet de stimuler les connaissances, par exemple avec des jeux d’imitation, d’imagination, de société…
Ce qui est important, c’est de le faire en lien avec les intérêts de l’enfant, mais aussi les vôtres. « L’énergie de la joie est un tel support pour encourager n’importe quel apprentissage ! Alors si vous adorez la cuisine ou le vélo, faites cette activité en décrivant ce que vous faites plutôt que vous astreindre à aller à la bibliothèque alors que vous n’aimez pas lire », déclare l’orthophoniste. D’ailleurs, pour Florent de Bodman, même les parents à l’emploi du temps chargé peuvent le faire. « Vous pouvez transformer des moments utilitaires en plaisir partagé : préparer le repas ensemble, donner le bain, changer la couche, c’est l’occasion de chanter, faire des petits jeux, parler ».
Le corps est important dans l’apprentissage du langage
Parler à votre bébé, c’est bien, mais il faut le faire correctement. « Les gens ignorent trop souvent qu’un nouveau-né ne voit qu’à 40 cm, il faut donc lui parler tout près ! », affirme Chistian Peyrat. Florend de Bodman conseille : « Pour le bébé qui commence à parler, c’est très important de se mettre à sa hauteur, de le regarder dans les yeux, de ne pas parler trop vite et de renforcer les intonations ». Anne Rudelle partage son avis : « Avec cette attention conjointe, on va favoriser une sécurité, une confiance et une attention qui lui permettent de nous écouter ».
C’est aussi pour cette raison que de nombreux parents et spécialistes plébiscitent la langue des signes adaptés aux bébés. « Je crois que c’est un très bon moyen d’amener les parents à réfléchir autrement sur leur relation avec leur tout-petit. Sans apprendre tous les signes ! Mais un bébé de 6 mois sait signer oui et non », affirme le pédiatre. En effet, « pour les enfants, il est plus facile de reproduire un geste qu’un son. On peut revenir aussi au corps grâce aux petites comptines avec les mains. Mimer une chanson, cela introduit aussi du rythme et une successivité qui préparent à la syntaxe », explique l’orthophoniste.
Adapter le langage en évitant le « parler bébé »
Il faut bien entendu adapter vos propos à l’âge de votre enfant. En revanche, il est quand même mieux de lui parler comme vous parlerez à n’importe qui d’autre. « Mieux vaut lui parler comme à un adulte : dire je et tu, l’appeler par son prénom. Il comprend qu’il est dans une conversation et qu’il peut intégrer le tour de parole. Utiliser les bons mots, c’est le meilleur moyen pour qu’il les retienne ! », conseille Florent de Bodman. « Pour un enfant de 1 an, il faut surtout faire attention à la longueur de la phrase. Il ne faut pas perdre son attention dans les détails », ajoute Anne Rudelle. Ainsi, vous pourrez, au fur et à mesure, faire des phrases plus complexes et nuancées, qui enrichiront sa syntaxe.
Grâce à tout cela, votre enfant aura tout ce qui lui faut pour apprendre à parler, même si cela peut prendre du temps. Par exemple, il pourra faire des erreurs de prononciation, même s’il connaît un mot et qu’il sait l’utiliser. « C’est normal, cela fait partie du développement par approximation. Mais il est déconseillé de le faire répéter. Mieux vaut reformuler après lui, en instant sur la bonne consonne par exemple », recommande l’orthophoniste.