Les dernières recherches montrent que ce trouble de la parole, souvent perçu comme un problème psychologique, est d’origine multifactorielle.

Souvent considéré comme un trouble du langage, le bégaiement altère en réalité la fluidité de la parole et, de fait, de la communication. Il apparaît le plus souvent chez les très jeunes enfants, mais peut aussi survenir à l’âge adulte, notamment à la suite de traumatismes. Six cent mille personnes seraient concernées en France. La 16e Journée mondiale du bégaiement ce mardi est l’occasion de mieux faire connaître ce handicap et les prises en charge possibles.

«La parole peut être comparée à l’écriture», explique le Dr Marie-Claude Monfrais-Pfauwadel, médecin spécialiste du bégaiement, auteur du Manuel du bégaiement (1). «L’écriture est d’abord chaotique, puis elle se fluidifie pour devenir automatique. On pense alors à ce que l’on écrit, et non pas aux gestes de l’écriture.»

Parler est en effet une somme de mouvements, produits par les muscles de la bouche, de la face et du larynx, qui nécessite une grande rapidité d’exécution et une excellente synchronisation pour que l’on arrive à émettre des sons. Le bégaiement peut donc être considéré comme un trouble moteur. Chez certaines personnes bègues, des enregistrements de l’activité musculaire montrent d’ailleurs des contractions musculaires involontaires qui entravent la parole, ce que l’on appelle aussi, des «myoclonies» du larynx.

Les recherches, qui se sont intensifiées au cours des vingt dernières années, ont permis de faire de grandes avancées dans la compréhension des origines du bégaiement. Plusieurs études ont montré qu’il existe bel et bien une part génétique dans la survenue de ce trouble. Il n’existe bien entendu pas un gène du bégaiement, mais les chercheurs ont d’ores et déjà identifié plusieurs régions chromosomiques qui pourraient jouer un rôle dans le développement de la maladie. Bégayer serait le fruit de nombreuses interactions entre plusieurs gènes, ainsi qu’avec l’environnement de l’enfant. «On ne naît pas bègue, mais avec une prédisposition», insiste le Dr Monfrais.

Les neurosciences ont aussi apporté beaucoup d’éléments de compréhension sur le bégaiement. «La source première de ce trouble est liée aux capacités du cerveau à traiter le langage et la parole», explique Luc De Nil, professeur au département des pathologies de la parole et du langage de l’université de Toronto. Il apparaît ainsi aujourd’hui que le cerveau des personnes bègues présente des différences à la fois anatomiques et fonctionnelles avec celui de personnes non bègues. «Une hyperactivité cérébrale a notamment été mise en évidence chez les personnes bègues lorsqu’elles prennent la parole», détaille Luc De Nil.

Une étude publiée récemment par l’équipe du professeur De Nil a également montré chez des enfants que la structure du cerveau est modifiée dans le cas de bégaiement. Dans certaines régions cérébrales, la proportion de matière grise (la couche externe du cerveau) serait moins dense et les connexions neuronales moins efficaces. Il reste encore aux scientifiques à comprendre les liens entre ces modifications et les mécanismes du bégaiement.

La prise en charge du bégaiement dépend de nombreux facteurs, notamment de l’histoire du patient et de son âge. Les techniques de rééducation pratiquées par les orthophonistes spécialisés sont le premier recours dans la plupart des cas. Elles peuvent s’accompagner de thérapies cognitivo-comportementales, qui ont pour but d’aider la personne à gérer le stress et le malaise qui parfois se développent autour du handicap.

Lorsque le bégaiement est accompagné de troubles de l’attention, un traitement médicamenteux peut être parfois envisagé. «Les associations et les groupes de patients sont aussi des aides précieuses pour trouver conseils et soutien, rappelle Marie-Claude Monfrais. Plusieurs personnes bègues ont même créé des blogs, vidéo parfois, pour communiquer sur leur handicap et sortir de l’isolement qu’il peut parfois provoquer.»

(1) «Manuel du bégaiement», Marie-Claude Monfrais-Pfauwadel, éditions Deboeck

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