Ce trouble de la parole, qui apparaît le plus souvent entre 2 et 5 ans, n’est pas une fatalité puisqu’il disparaît spontanément dans 4 cas sur 5. Il est important pour les parents d’avoir la bonne réaction pour éviter que le bégaiement s’installe et pour aider leur enfant quand il persiste. Les conseils d’Elisabeth Vincent, orthophoniste et vice-présidente de l’association Parole Bégaiement.

Entre 2 et 4 ans, le tout-petit entre dans le langage. Une période fabuleuse d’acquisition mais qui peut entraîner son lot d’accrocs. Parfois, la parole bloque et l’enfant multiplie les efforts pour que les mots sortent. Le bégaiement touche 5% des enfants. « C’est souvent transitoire et c’est le signe qu’il est en difficulté », souligne Elisabeth Vincent, orthophoniste et vice-présidente de l’association Parole Bégaiement. « Le langage ne va pas aussi vite que la pensée, ses organes phonateurs (langue…) sont encore un peu patauds, et l’enfant se retrouve submergé sans réussir à mettre de l’ordre dans ses idées ». Le bégaiement peut aussi survenir quand l’enfant s’exprimait jusque-là sans difficultés, alors qu’il avait un très bon niveau de langage. Cela peut être aussi une manière inconsciente d’attirer l’attention. Dans tous les cas, le rôle des parents est essentiel pour lui faciliter l’élocution.

Les bons réflexes au quotidien qui peuvent l’aider

  • Ralentir sa propre parole

L’enfant va caler son élocution sur celle de ses parents. Si ceux-ci ont un débit rapide, il va essayer de les imiter, avec le risque de s’emmêler les pinceaux. « Quand l’enfant est petit, les parents adaptent spontanément leur débit de parole en parlant plus lentement. Mais lorsqu’il commence à mieux s’exprimer, ils peuvent se mettre à lui parler comme s’il était grand », constate l’orthophoniste. Pour l’aider, vous pouvez lui parler tranquillement, sur un ton légèrement chantant, en mettant bien en évidence les points d’appui, avec des phrases pas trop longues.

  • Lui accorder des moments calmes

« Dépêche-toi, on va être en retard pour l’école », « finis ton repas, il est l’heure d’aller au lit ». Dans nos vies à 100km/h, l’emploi du temps de l’enfant est minuté, et les préparatifs se font souvent dans le stress. Difficile pour lui d’élaborer sa parole dans ces conditions. Si l’enfant vous parle et que vous n’avez pas de temps à lui accorder à ce moment précis, proposez-lui plutôt d’en reparler un peu plus tard. « Il est important d’avoir des moments d’interaction avec l’enfant tous les jours, par exemple autour d’un jeu », conseille Elisabeth Vincent.

  • Alléger la pression

Propreté, autonomie, motricité fine, langage, entrée à l’école, entre 2 et 5 ans, les acquisitions sont nombreuses. Le bégaiement peut être le signe qu’il est débordé par rapport à ses capacités du moment, que c’est trop pour lui. S’il a des difficultés de parole, on peut par exemple lâcher un peu sur la propreté, ou ne pas mettre trop de pression sur les apprentissages à l’école.

  • Etablir des rituels

« Derrière le bégaiement, il y a de l’anxiété. L’enfant est facilement déstabilisé par des événements nouveaux », note l’orthophoniste. « Lui donner à voir les repères temporels (réveil avec des aiguilles, planning de la semaine…) peut l’aider ». La lecture du soir, un moment quotidien de jeu, ces rituels sont rassurants pour lui.

Quand il parle, être un « interlocuteur actif »

  • Garder le contact

Froncement de sourcils, yeux au ciel, nos mimiques peuvent trahir notre impatience. Rien de pire pour déstabiliser l’enfant et alimenter son bégaiement. Pour l’aider, il est important de garder un contact visuel. On peut se mettre à sa hauteur, le regarder et l’inciter à ne pas détourner le regard. « Quand l’enfant est confronté à des difficultés, il peut se mettre à faire de grands gestes, taper du pied, fermer les yeux, une façon pour lui de se concentrer pour parler, » remarque la spécialiste. Et il risque d’en faire toujours plus. Si le parent est là pour le regarder, il lit dans ses yeux « regarde-moi, je vais t’aider ».

  • L’interrompre à bon escient

« Je, je, je… », quand la machine commence à s’embourber, il ne faut pas hésiter à s’en mêler. Rien de plus angoissant pour lui que de se lancer dans une répétition à l’infini dont il ne peut plus sortir. « Au bout de 4 à 5 répétitions, je conseille d’intervenir », recommande Elisabeth Vincent. « On se glisse dans sa parole en douceur. Il ne s’agit pas de parler à sa place. On peut lui suggérer un mot de manière interrogative : il vous dit « je veux », « je veux », vous proposez : » du chocolat ? ». »

  • Lui poser des questions précises

C’est souvent quand l’enfant se lance dans de grandes explications compliquées qu’il se retrouve enchevêtré. Aux parents de veiller à être des interlocuteurs actifs en l’aidant à avancer pas à pas dans son récit : « Ca se passe avec qui ? » « Comment ? »…

 

 

Ce qu’il faut éviter

  • Ne pas lui donner de conseils

« Calme-toi ! », « respire », « prends ton temps ». Quand on voit l’enfant s’empêtrer, la tendance naturelle serait de l’interrompre pour le pousser à reprendre sa respiration. Or c’est justement à éviter. « Il ne sait pas comment respirer et d’ailleurs, quand il bégaie, bien souvent il a déjà trop d’air », remarque Elisabeth Vincent. « Ca le met dans l’idée que ce qu’il fait n’est pas bien. Il faut éviter les jugements sur sa parole ». Attention à ne pas rompre la communication avec l’enfant. On peut par exemple l’aider à verbaliser ce qu’il vit : « c’est dur, en ce moment, de parler » et lui donner des clés pour s’en sortir : « Viens, je vais t’aider, on va le dire tranquillement », « tu sais, j’ai tout mon temps ».

  • Calmer les bavards

Contrairement à une idée reçue, un petit qui bégaie peut être un enfant très bavard. Or « ce qu’il peut chercher inconsciemment en bégayant, c’est l’attention », constate l’orthophoniste. Il n’est donc pas utile de lui laisser la parole en permanence. A table, on peut lui expliquer que c’est au tour de son frère ou de sa sœur de parler.

Quand consulter ?

« Dès qu’il y a une inquiétude de la part des parents » répond l’orthophoniste. Si l’on sent que l’enfant a besoin de faire un effort pour parler, on peut voir comment cela évolue sur plusieurs semaines. Et ne pas tarder à consulter un orthophoniste car plus on intervient tôt, mieux c’est. Une à deux séances peuvent parfois suffire à débloquer les choses.

e-orthophonie*

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