Chaque mois, nous vous proposons de découvrir une pathologie prise en charge par les orthophonistes. Ce sont des notions essentielles à connaître pour vos oraux d’admission en CFUO 😉. Ce mois-ci, nous vous présentons l’écholalie.
L’écholalie est un trouble du langage dans lequel on répète involontairement les derniers mots entendus, comme un écho. Ce type de pathologie se rencontre dans certaines aphasies et en cas d’atteinte du lobe frontal, mais principalement en cas d’autisme ou de démence chez les personnes âgées.
1. Définition de l’écholalie
L’écholalie est un trouble du langage dans lequel on répète systématiquement les derniers mots entendus. Ce besoin irrépressible et compulsif de répéter les paroles de la personne avec laquelle elles parlent peut empêcher les personnes souffrant d’écholalie d’exprimer normalement leurs propres idées, ce qui complique encore plus l’échange. À titre d’exemple, le malade peut répéter la question qu’on vient de lui poser sans parvenir à y répondre. À noter qu’une écholalie s’observe fréquemment chez les moins de 3 ans lorsqu’ils commencent à apprendre à parler. Ce phénomène est dans ce cas-là tout à fait normal puisque les petits enfants éprouvent naturellement des difficultés à différencier leurs pensées et à les exprimer en parallèle d’une répétition. Cela fait partie du processus d’apprentissage. De même, lorsque les enfants apprennent une langue étrangère, on peut retrouver ce phénomène.
On juge toutefois qu’une écholalie est pathologique lorsqu’elle persiste au-delà de trois ans. Il existe une écholalie fonctionnelle (ou écholalie interactive) dans laquelle le malade tente de communiquer, et l’écholalie non fonctionnelle (ou non interactive) dans laquelle le malade se parle à lui-même ou de façon compulsive, automatique (parfois de façon inattendue, hors contexte), sans chercher à communiquer avec autrui.
2. Causes de l’écholalie
L’écholalie est un trouble qui se retrouve dans diverses pathologies affectant le cerveau, et en particulier lorsqu’elles touchent le lobe frontal (partie antérieure). Les enfants sont les plus concernés. Ainsi l’écholalie est un symptôme qui peut se retrouver en cas de :
- trouble de la parole, tel qu’une dysphasie, qui est d’origine congénitale, ou certaines aphasies, comme le rapporte Le Robert (notamment une aphasie transcorticale : perte partielle ou complète de la capacité à s’exprimer ou à comprendre le langage écrit et parlé) ;
- sclérose en plaques ;
troubles du spectre autistique sévères, y compris en cas de syndrome d’Asperger (c’est une des principales manifestations symptomatiques de la communication verbale chez l’autiste « de Kanner », indique une étude menée par le laboratoire interdisciplinaire de recherches sur le langage (LIRL), le laboratoire d’anthropologie et sociologie (LAS, EA 2241), et le département sociologie et sciences du langage de l’université de Rennes qui précise également qu’environ trois quarts des enfants autistes seraient écholaliques) ; - démence chez les personnes âgées, ce qui implique aussi la maladie d’Alzheimer ;
- maladies psychiatriques telles que la schizophrénie ou le syndrome de Gilles de la Tourette (selon François Perea, maître de conférences à l’Université Montpellier-III, 15 à 30 % des personnes victimes de ce syndrome présentent des symptômes vocaux tels que l’écholalie [Note sur les symptômes vocaux et verbaux corporels. De la rupture pathologique aux comportements ordinaires, article paru dans L’Information psychiatrique, vol. 86 n° 5 — mai 2010]) ;
- pathologie liée à un problème de développement et qu’on retrouve donc souvent chez les enfants ou les adolescents et chez certains enfants aveugles.
On peut également observer une écholalie chez les personnes ayant subi un traumatisme crânien et qui recommencent à parler. À noter qu’il existe des cas d’écholalie ponctuelle, celle-ci ne survenant qu’en cas de gros stress, par exemple, ou dans une situation qui est source d’anxiété.
3. Symptômes de l’écholalie
Le symptôme majeur de l’écholalie est donc la répétition de syllabes, de mots, de phrases ou même de bruits de façon involontaire. C’est le même ton qui est employé en cas d’écho exact (si une personne pose une question, le malade va répéter la même phrase en imitant le ton interrogatif), mais on peut aussi retrouver des échos réduits (seule une partie de la phrase est répétée, généralement la fin), amplifiés (la phrase est déformée, mais elle conserve sa structure d’origine) ou mitigés (la structure de la phrase répétée est en partie modifiée, réordonnée différemment).
On distingue deux grandes catégories d’écholalie : l’écholalie immédiate et l’écholalie différée. Dans l’écholalie immédiate, la répétition des derniers mots entendus intervient aussitôt (c’est la forme la plus courante), tandis que dans l’écholalie différée, la répétition intervient plus tardivement. Dans l’écholalie différée, plusieurs minutes, heures ou même plusieurs jours peuvent s’écouler entre les choses entendues, par exemple une phrase dans un dessin animé ou souvent entendue à la maison, comme le souligne Autisme Info Service, et leur répétition.
Chez les autistes, la répétition, si elle n’est pas utilisée afin de communiquer, constitue un comportement d’autorégulation qui va apaiser le malade par le simple fait de manipuler des sons. Il arrive que les personnes souffrant d’écholalie soient anormalement irritables, en particulier lorsqu’on leur pose des questions, ce qui peut se comprendre puisque cela occasionne pour eux de grandes difficultés à y répondre. Cette écholalie peut aussi poser tellement de problèmes aux personnes malades qu’elles finissent par se taire et deviennent muettes. L’écholalie, chez les autistes notamment, va également entraîner un système de communication très particulier, avec des phrases qui peuvent paraître incohérentes, mais sans l’être forcément ; un enfant autiste souffrant d’écholalie qui demande « Est-ce que tu as soif ? » peut répéter cette phrase qu’il a entendue, simplement pour avoir de l’eau, car son cerveau a associé les deux.
Enfin, chez les autistes toujours, l’écholalie différée peut intervenir de façon apparemment inappropriée en réponse à une question. Il peut s’agir d’un mécanisme plus complexe qu’il n’y paraît, dans lequel le malade prononce une phrase qui répond à la question d’un point de vue émotionnel, par une association d’idées qui peut être visuelle, tactile, auditive ou olfactive. Les mots n’ont dans ce cas aucune importance, c’est le contexte dans lequel la phrase a été entendue et perçue qui est intéressant, et le malade cherche à communiquer cet ensemble émotionnel en la répétant. Cela est pour lui beaucoup plus simple que d’essayer d’exprimer des émotions très difficiles à définir.
4. Écholalie : quand s’inquiéter ?
L’écholalie est un phénomène normal chez les enfants en phase d’apprentissage de la communication orale. En revanche, il faut commencer à s’interroger si le phénomène persiste chez un enfant de plus de 3 ans.
Si elle est vraiment pathologique, l’écholalie vous sautera aux yeux et vous pouvez mentionner cela aux différents professionnels de santé que vous pourrez être amené à voir (pédiatre, médecin traitant…). Les caractéristiques qui signent son caractère pathologique sont que la répétition :
- est inadaptée ;
- est systématique et persistante (qu’elle soit ou non appropriée) ;
- est intégrale et littérale (sans variations des mots, du ton ou du débit).
Examens et diagnostics de l’écholalie : poser le diagnostic d’écholalie est assez simple pour un professionnel qui essaye d’engager une conversation avec un malade. Il va rapidement s’apercevoir que la personne ne parvient, la plupart du temps, qu’à répéter ce qui vient de lui être dit. Le professionnel devra dans un second temps déterminer la gravité de cette écholalie qui peut être bénigne ou sévère. Cette distinction a son importance puisque la prise en charge qui en découle doit en tenir compte.
5. Traitements de l’écholalie
Il est dans un premier temps indispensable de déterminer l’origine de l’écholalie. C’est ce qui permettra d’orienter le malade vers les spécialistes les plus susceptibles de lui venir efficacement en aide. Même si la prise en charge peut être longue et parfois fastidieuse, on peut en attendre de bons résultats ; il ne faut donc pas perdre espoir. Le traitement de l’écholalie fait appel à plusieurs professionnels et en particulier les orthophonistes, qui disposent d’outils et de techniques spécifiques. En effet, ce sont eux qui sont les plus à même de venir en aide aux malades en leur réapprenant peu à peu à exprimer ce qu’ils pensent. Le but premier recherché sera de permettre au patient de répondre à une question puis, progressivement, de s’exprimer plus facilement. L’orthophonie est utile en cas d’écholalie fonctionnelle puisqu’il s’agit d’améliorer la communication qui est souhaitée, mais irréalisable.
Dans le cadre de l’écholalie immédiate, l’orthophoniste cherchera à apprendre à l’enfant à détecter quelles phrases il peut être pertinent de répéter, même involontairement, et dans quels cas cela n’est pas pertinent. L’enfant doit donc être éduqué à discerner ce qu’il est correct et/ou logique de répéter de ce qui ne l’est pas. De même, le traitement de l’écholalie infantile consiste à faire comprendre à l’enfant les situations dans lesquelles l’écho n’est pas approprié. Bien entendu, en cas d’écholalie non fonctionnelle, le problème est tout autre puisque le patient ne cherche expressément pas à communiquer, et s’il s’agit d’un trouble neurodéveloppemental, le traitement est encore plus complexe. Des traitements médicamenteux peuvent aussi être employés pour combattre les conséquences de l’écholalie. On a donc recours à des antidépresseurs ou à des anxiolytiques destinés à calmer le malade, dans la mesure où son écholalie augmente en période de stress. Ces traitements sont donc prescrits au cas par cas. On peut également amener le malade à suivre une thérapie cognitivo-comportementale (TCC) afin de lui apprendre à gérer son problème et parvenir à mieux le vivre au quotidien. De même, un suivi psychanalytique peut être utile afin de déterminer quels événements peuvent expliquer la survenue d’une écholalie dont l’origine n’est pas évidente. Bien entendu, ces deux approches ne sont pas indiquées chez tous les patients, et si les enfants peuvent bénéficier d’une TCC dans certains cas, une psychanalyse ne sera en revanche pas adaptée.